Thaïlande: Thaksin choisit la méthode musclée
Le Premier ministre thaïlandais a dévoilé un projet de répression contre les séparatistes des quatre provinces du Sud du pays. Cette répression va frapper surtout les villages soupçonnés d’héberger des mouvements fondamentalistes puisqu’ils ne recevront plus des financements publics. Après l’annonce de cette mesure, des responsables religieux ont réagi défavorablement. Pour eux, elle risque de jeter la population dans les bras des radicaux islamistes.
Mais couper le robinet de l’argent n’est pas la seule mesure envisagée dans le cadre de la lutte «sans merci» que Thaksin Shinawatra a promis de mener dans cette région. Il entend y mettre en place une réforme de l’enseignement pour qu’il soit plus laïc. Il croit que les pondoks, les écoles coraniques, sont aujourd’hui le vivier des séparatistes.
Il est vrai que huit cent musulmans thaïlandais reviennent chaque année des madrassas du Pakistan, d’Arabie Saoudite et de Syrie. A leur retour, ils ouvrent des écoles coraniques où les disciples apprennent l’arabe et les vertus du rigorisme fondamentaliste. Il est vrai aussi que dans plusieurs écoles coraniques et dans certaines mosquées de la région, on prêche l’Islam avec une notion de séparatisme. Mais personne ne peut affirmer que l’essor du wahhabisme, pratiqué par 10% des musulmans thaïlandais, signifie que le réseau fondamentaliste Jemaah Islamiyah, très influent en Indonésie et en Malaisie, ait tissé sa toile dans le Sud de la Thaïlande.
L’ancien ministre des Affaires étrangères Surin Pitsuwan avait averti le gouvernement sur les dangers de la répression. Musulman originaire du Sud, il croit que la majorité bouddhiste n’est pas capable de comprendre la nature du problème. «Les musulmans ne souhaitent pas la création d’un Etat indépendant. Ils veulent obtenir plus de sécurité, de justice et d’égalité», a–t–il affirmé.
A ses yeux, la façon la plus intelligente de contrer la progression du fondamentalisme dans le Sud est de moderniser les pondoks en leur fournissant des meilleurs professeurs de langues étrangères, de science et de technologie. «Laissez le contenu religieux de l’enseignement aux dirigeants religieux car c’est un sujet trop sensible. Faites une véritable réforme de l’éducation islamique», a–t – il conseillé. Visiblement, ces conseils n’ont pas été pris en compte par le Premier ministre. Et la lutte sans merci de Thaksin contre la violence ressemble davantage à une vengeance. En effet, dans les quatre provinces musulmanes du Sud, son parti n’a remporté aucun siège lors des dernières législatives