Portraits : Najib Yacoubi : Le Marocain qui a fait fortune en Thaïlande
A 19 ans, il quitte le Maroc pour faire des études en France. A 29 ans, il s’installe à Singapour où il monte sa propre agence de voyages.
Son groupe compte aujourd’hui 250 personnes et des filiales dans tout le Sud-est asiatique.
Généralement, les trois lettres M-R-E riment avec communautés marocaines installées en Europe, en Amérique du Nord et, dans une moindre mesure, au Moyen-Orient et en Afrique. Mais que sait-on des Marocains installés ailleurs, en Australie ou en Asie ? Combien sont-ils ? Que font-ils ? Très peu d’informations à ce sujet. Il y en a pourtant, et certains parmi eux y font de bonnes affaires.
Nous sommes en plein cœur de Bangkok, en Thaïlande. Le Banyan Tree, avec ses 61 étages, est un des hôtels les plus luxueux et surtout le plus prestigieux de la capitale. Parmi ses clients, le nec plus ultra toutes catégories confondues. Quand le patron de Microsoft, Bill Gates, est à Bangkok, c’est au Banyan Tree qu’il loge.
Parmi les habitués de ce sanctuaire du raffinement, un Marocain ! Il s’appelle Najib Yacoubi. Quand, ce jour-là, il accueille ses hôtes marocains qu’il a invités à déjeuner au Banyan Tree, Najib, comme on l’appelle ici, est comme un poisson dans l’eau. Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît, depuis le réceptionniste jusqu’au patron de l’hôtel. Dans un mélange de thaï et d’anglais, Najib communique avec une facilité déconcertante avec le personnel. On croirait un Thaïlandais, n’était son teint clair et ses yeux non bridés.
En fait, pour cet homme, ce n’est pas seulement Bangkok mais toute la Thaïlande, voire tout le Sud-est asiatique qui n’ont plus de secrets. Il passe la majeure partie de son temps dans les avions entre Kuala Lumpur, Pékin, Bangkok, Hanoï et bien d’autres villes. Son métier : voyagiste. Son quartier général est à Singapour, où il est arrivé il y a plus de 14 ans, en 1989 plus précisément. Le Maroc ? Il lui manque, certes, mais ici, en Asie, l’homme s’est apparemment intégré sans grandes difficultés.
Le parcours de Najib Yacoubi, aujourd’hui âgé de 45 ans, commence à la fin des années 1970. A dix-neuf ans, son Bac en poche, ce natif d’Oujda fait sa valise pour aller continuer ses études en Europe. Après un bref séjour en Suisse, il s’installe à Lyon, en France, où il obtiendra un DESS en tourisme. Par la suite, il se dirige vers l’enseignement universitaire. Il mène une vie tranquille et paisible jusqu’au jour où un ami lui demande de l’aider pour organiser un voyage en Asie, pour le compte d’un groupe de Français. Najib, avec ses 14 heures de cours par semaine, avait suffisamment de temps libre pour se consacrer à cette activité. Il s’attelle donc à la tâche. A ce moment-là, il ne savait certainement pas qu’il venait d’entamer son aventure asiatique, celle qui allait le mener, quelques années plus tard, à Singapour.
Déjeuner à Bangkok, dîner à Pékin
Au fil du temps, le coup de main donné à un ami se transforme en véritable activité. Les voyages de groupes se multiplient et Najib prend goût au jeu. Par la force des choses, pour organiser des séjours en Asie, il fallait qu’il s’y rende lui-même. Les allers-retours se multiplièrent, les contacts aussi. Progressivement, l’homme tisse sa toile dans la région. Puis, un jour de cette année 1989, Najib Yacoubi décide de s’installer pour de bon à Singapour. Coup de foudre pour l’Asie ? «Vous savez, on ne décide pas comme ça de venir s’installer à l’autre bout de la terre, explique Najib, ça vient tout seul». Mais il faut dire qu’il a eu la main heureuse et que l’Asie lui réussit bien.
A Singapour, il trouve des partenaires avec qui il crée une entreprise spécialisée dans le voyage. Eurcasia est aujourd’hui un grand groupe de 250 personnes, plusieurs filiales et bureaux de représentation dans une dizaine de pays du Sud-Est asiatique. Chaque année, Eurcasia ramène entre 30 000 et 40 000 touristes européens dans la région, dont une grande partie de Français.
Najib Yacoubi est aujourd’hui associé et vice-président d’Eurcasia en charge des opérations et du développement. Cela veut dire tout simplement dire qu’il est obligé de sillonner les pays de la région. Il est à Bangkok au moins trois fois par mois pour superviser les affaires mais également et très souvent à Pékin, Kuala Lumpur, Saïgon, Hanoï...
Cela dit, le Maroc est toujours présent dans ses pensées. La preuve, depuis trois ou quatre ans, Najib s’est lancé dans une nouvelle aventure. Son objectif, «démocratiser la destination Thaïlande auprès des touristes marocains». Avec un partenaire de choix comme la compagnie aérienne Qatar Airways et un carnet d’adresses bien garni, Najib Yacoubi concocte des séjours, des packages à des prix intéressants. Et là encore, on peut dire qu’il a eu le nez creux. Les résultats sont très encourageants. En 2004, ils étaient plus de 3 400 touristes marocains à visiter la Thaïlande, contre un petit millier deux ans auparavant. «certes, ce n’est rien par rapport aux 12 millions de touristes qui viennent chaque année dans ce pays, explique-t-il, mais le contingent marocain est celui qui connaît le taux de croissance le plus fort». Raison pour laquelle, d’ailleurs, Najib s’est battu cette année pour avoir encore plus de sièges d’avions pour les Marocains à destination de la Thaïlande. Il en a demandé 5000 mais n’en a eu que 2500.
Animé par sa fibre patriotique, Yacoubi tente une nouvelle niche : vendre la destination Maroc aux touristes thaïlandais. Il en a rêvé et il l’a fait. Déjà, en mai dernier, deux groupes de touristes thaïlandais se sont rendus au Maroc où ils ont passé une quinzaine de jours. Et, apparemment, notre pays n’a pas déplu
Son groupe, Eurcasia, ramène chaque année près de 40 000 touristes européens dans le Sud-Est asiatique. Son nouveau challenge, vendre la destination Maroc aux touristes Thaïlandais.
Saâd Benmansour - La Vie Economique