Deux cents jeunes filles sont prises en charge par
l'association de Somaly Mam (au centre)
L'enfer des bordels cambodgiens
Dans Le Silence de l'innocence *, Somaly Mam raconte son combat contre la prostitution (28/09/2005)
Somaly Mam est fatiguée; sa guerre est vraiment loin d'être gagnée. Depuis huit ans, cette Cambodgienne lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et des jeunes filles dans son pays. Elle a, elle-même, connu l'enfer des bordels. Elevée comme une esclave domestique par son grand-père, elle est mariée de force à un homme qui la bat. A la mort de son mari, le grand-père la vend à une maison close ; Somaly a alors dix-sept ans. Pendant des années, elle va subir les coups et les viols des clients jusqu'à sa rencontre avec son futur mari, un Français, qui la sort de la prostitution. C'est avec lui qu'elle fonde l'Afesip (Agir pour les femmes en situation précaire) en 1997.
Des victimes de 5 ou 6 ans
Aujourd'hui son association accueille deux cents victimes de la prostitution. Les plus jeunes, parfois âgées de cinq ou six ans seulement, sont scolarisées. Les plus âgées apprennent un métier : couture, coiffure, restauration ou agriculture. "Environ 60% des filles arrivent à se réinsérer, explique Somaly Mam. Les autres s'évanouissent dans la nature ou meurent." Le sida fait des ravages au Cambodge et face à un client qui ne veut pas mettre de préservatif, les filles n'ont pas vraiment de choix.
"Tous les matins, des membres de l'association se rendent dans les bordels pour enquêter, raconte Somaly Mam. Une fois les preuves rassemblées, la police intervient." Parfois, les opérations de sauvetage tournent mal. L'an dernier, un raid a été mené dans la plus importante maison close de Phnom Penh. Une centaine de jeunes filles ont été délivrées. Le lendemain, avec la complaisance des autorités, les proxénètes ont débarqué à l'association et ont récupéré les filles. Depuis, Somaly Mam et ses trois enfants sont menacés de mort.
La situation empire
"Ce n'est pas ça qui me fera plier. Mais parfois, je suis découragée car la situation ne fait qu'empirer, avoue la jeune femme. Les filles sont de plus en plus jeunes et subissent des tortures horribles. A cause de la pauvreté et de la tradition, les petites Cambodgiennes ont toujours été maltraitées. A 5 ans, elles cuisinent, gardent les bébés... Les moins chanceuses sont vendues pour vingt ou trente dollars à des bordels qui revendent ensuite très cher leur virginité."
La corruption mine également le moral de cette militante. L'argent des passes achète la justice et le gourvernement n'engage pas vraiment de moyens pour lutter contre le fléau.
Judith Korber
* Le Silence de l'innocence , éditions Anne Carrière, 210 p., 18,50 e . Pour joindre l'association, vous pouvez écrire à somaly.mam@afesip.org ou à Afesip France Hôtel-Dieu, 6 place Daviel, 13224 Marseille Cedex 02