La corruption plombe la compétitivité du Cambodge, selon un rapport de l'IEC
30-09-2005
Cambodge Soir - Classé 112e sur 117 pays, le Cambodge fait moins bien que le Bangladesh et est largement distancé par l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est* en terme de compétitivité, selon le rapport 2005-2006 sur ce thème publié récemment par l’Institut économique du Cambodge (IEC), avec le concours d’Asia Foundation et d’USAid. Ce classement prend en compte l’indice de compétitivité de croissance, lui même réalisé à partir de données sur l’environnement macro-économique, les institutions publiques et la technologie.
“Nous avons un taux de croissance de 6 à 7 % mais sommes seulement classés 112e en terme de compétitivité”, soulignait jeudi le directeur de l’IEC, Sok Hach, à l’occasion de la présentation de ce rapport à l’hôtel Cambodiana de Phnom Penh, qui a réuni représentants du secteur privé et d’organisations économiques ainsi que le nouvel ambassadeur des Etats-Unis, Jospeh Mussomeli.
Les intervenants ont surtout réagi aux résultats d’une enquête d’opinion réalisée auprès de cent hauts responsables d’entreprises et publiée dans le rapport de l’IEC sur la compétitivité. Principale conclusion : la corruption est le premier frein au développement de la compétitivité, selon quatre personnes interrogées sur cinq. D’après une majorité de sondés, la corruption est particulièrement courante lors des procédures d’import-export, mais aussi pour décrocher un contrat public, payer les taxes ou obtenir une décision de justice favorable...
A cet obstacle majeur s’ajoute, toujours selon la majorité des personnes sondées, une “bureaucratie gouvernementale” jugée “inefficace”. Enfin, 46 % des sondés estiment aussi que le manque de formation de la main d’œuvre et l’indaptation des infrastructures générales sont en grande partie responsables de la faible compétitivité du pays.
Mais tout n’est pas négatif, soulignait Chan Vuthy, en charge de cette enquête d’opinion : globalement, les hauts responsables d’entreprises interrogés ont une vision plutôt optimiste des perspectives économiques et politiques à court terme.
Un optimisme que partage en partie Véronique Salze-Lozac’h, directrice régionale des programmes économiques d’Asia Foundation : “C’est en réalité le bon moment pour mener une politique de réformes économiques”. Celle-ci souligne cependant la nécessité de lutter avant tout contre la corruption : “Les chefs de petites entreprises, contrairement aux hauts responsables interrogés dans cette enquête, se plaignent peu des infrastructures. Des routes, il y en a, mais pour amener une marchandise d’un point à un autre, les coûts sont trop élevés : ils doivent payer beaucoup trop de taxes informelles”.
Ce problème a également été souligné par le directeur de l’IEC, qui estime que “la lutte contre la corruption est actuellement insuffisante”. “Même si nous avions une loi contre la corruption, il faudrait qu’elle soit correctement appliquée. Les efforts réalisés resteront insuffisants tant que subsisteront les racines de la corruption”.
Corruption : le mot était sur toutes les bouches en cette matinée de jeudi. Y compris parmi l’audience. Chorn Sokha, de la Fédération des syndicats des travailleurs démocrates du Cambodge, a demandé pourquoi les chefs d’entreprises alimentent le système de la corruption au lieu de consacrer cet argent à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. “Ceux qui paient des pots-de-vin sont obligés de le faire, lui a répondu Mong Reththy, vice-président de la Chambre de commerce de Phnom Penh. Sans cela, ils ne pourraient pas mener correctement leurs activités. Les entreprises ne pourraient plus produire et les travailleurs n’auraient plus de travail”, a-t-il assuré.
“Corruption” encore : le mot a marqué le premier discours du nouvel ambassadeur des Etats-Unis, Joseph Mussomeli. “Les pays riches et développés pourraient presque se permettre d’avoir de la corruption. Ils ont déjà des infrastructures. Pas le Cambodge. Le Cambodge ne peut se payer le luxe de la corruption”, a déclaré l’ambassadeur. Selon lui, améliorer la compétitivité, élément déterminant pour le futur économique mais aussi politique et social, passe par “cinq piliers” : le développement de la langue anglaise, l’amélioration des infrastructures, l’élimination de la corruption, la simplification du système administratif et la diversification. Cinq piliers qui ne figuraient pas tous parmi les priorités mentionnées dans l’enquête d’opinion de l’IEC, mais qui ont servi de conclusion à la présentation de ce rapport.
Ky Soklim et Laurent Le Gouanvic
* Le Laos n’a pas été inclu dans cette étude