dimanche 25 décembre 2005, 21h11
Les survivants du tsunami vivent le 1er anniversaire autrement
PHUKET, Thaïlande (Reuters) - Certains se devaient d'être là, d'autres ont fui le plus loin possible.
Un an après le tsunami qui a ravagé les côtes de l'océan Indien et fait plus de 230.000 morts, les survivants réagissent de manière différente à l'événement.
Pigge Werkelin, un homme d'affaires suédois qui a perdu ses deux jeunes fils et sa femme à Khao Lak, en Thaïlande, fait partie de ceux qui ont souhaité revenir sur les lieux de la catastrophe, persuadés que cette démarche les aiderait à accomplir le difficile travail de deuil.
"Je pense qu'il est nécessaire de revenir. Il faut aller sur la plage, voir des enfants sur la plage, revoir tout cela. Les éléphants sur lesquels je suis monté avec les enfants, les restaurants", raconte-t-il.
"Je devais le faire afin, ensuite, de mettre tout cela derrière moi", ajoute Pigge, 44 ans, qui a retrouvé sur place une Américaine et deux étudiants thaïlandais qui l'avaient aidé il y a un an.
Son ouvrage baptisé "Khao Lak: 10h31", en référence à l'heure à laquelle la vague géante balaya la station balnéaire, s'est vendu à 27.000 exemplaires. Les recettes ont été versées à des oeuvres caritatives qui viennent en aide aux victimes en Thaïlande.
"J'ai vu ma femme à dix mètres de moi. Elle tenait mon plus jeune fils (Max) par la main. Elle m'a demandé: 'Tu es avec Charlie?' J'ai regardé autour de moi, c'est la dernière chose que j'ai vu d'eux avant de les retrouver morts", se souvient-il.
UNE ANNÉE "ÉPOUVANTABLE"
Avec 543 morts, la Suède est le pays occidental qui a payé le plus lourd tribut à ce drame. Quelque 400 Suédois, rescapés ou proches de victimes, doivent assister lundi à une cérémonie spéciale à Khao Lak.
Mais Pigge a décidé de retrouver un ami suédois sur la plage où ils se recueilleront dans l'intimité devant des photos de leurs proches.
Le Néo-Zélandais Mark Smith, lui, n'avait plus remis les pieds à Phi Phi depuis un an. Cramponné à un pilier en béton, il avait réussi à résister à la force des vagues, bataille contre les éléments dont son bras porte encore de larges stigmates.
"Où que j'aille le long de la côte, je garde toujours un oeil sur l'horizon", assure le jeune homme de 29 ans.
Pour son compatriote Jesse Lewis Evans, 24 ans, le retour sur les lieux est aussi très pénible. "Mais je suis très heureux de l'avoir fait. Si je n'étais pas venu, je l'aurais probablement regretté pour le restant de mes jours."
Les associations d'aide aux proches des victimes savent que le premier anniversaire de la catastrophe, qui coïncide avec les fêtes de Noël, est particulièrement difficile à vivre.
"Pour les personnes qui ont perdu quelqu'un, la première année est toujours la plus dure. Vous vous retrouvez tout seul", souligne Knut E. Pedersen, qui soutient des rescapés et des proches de disparus d'origine norvégienne.
Pour certains, retourner en Thaïlande était une épreuve insurmontable.
"Nous essayons de trouver un moyen de survivre le 26 (décembre)", déclare le Sud-Africain Steve Fitzgerald par téléphone de Londres, où il a rejoint sa famille et ses amis.
Il y a un an, il perdait sa fille Anna, âgée de 23 ans.
"J'ai décidé de m'éloigner le plus possible de la mer, des plages, des îles, de tout cela", dit-il, ajoutant que l'année écoulée a été "épouvantable".
Son autre fille Kate, qui était à Phi Phi avec Anna, a subi douze opérations aux jambes avant de pouvoir remarcher.
"Les quatre premiers mois ont été consacrés à essayer de ramener ma fille à la vie et à la refaire marcher. Ensuite, il a fallu gérer ses émotions, puis les nôtres."