Le gouvernement veut une loi sur les ONG, les militants des droits de l'Homme réticents
12-06-2006
Cambodge Soir - La question d'un projet de loi sur le statut des organisations non-gouvernementales au Cambodge, sujet politiquement sensible, a ressurgi ce week-end à l'occasion du salon de la société civile, organisé tous les deux ans par l'ONG Star Kampuchea.
Pour cette grand-messe du secteur associatif, 500 militants, bonzes, étudiants issus de près de 200 ONG ont débattu et échangé leurs expériences autour de multiples stands. Lors de l'ouverture de la rencontre, le secrétaire d'Etat du Conseil des ministres Seng Lim Nov a affirmé que le projet de loi sur les associations était encore loin d'être bouclé, et que de nombreuses discussions devaient encore se tenir. Pour répondre aux craintes, il a assuré que le contenu du projet ne se baserait que sur des préoccuptions liées au développement. Auparavant, Seng Lim Nov avait salué le rôle important tenu par les ONG pour réduire la pauvreté dans le pays. "Lorsqu'on sollicite trop les dieux, ceux-ci ne répondent plus, a-t-il déclaré en référence aux croyances populaires. C'est pour cela que les ONG jouent un rôle important, aux côtés du gouvernement, pour répondre aux demandes du peuple." Après ce concert de louanges, il a tenu tout de même à préciser que certains ONG se présentant comme indépendantes se mettaient en réalité au service d'intérêts partisans.
Selon Sak Sétha, haut-responsable au ministère de l'Intérieur, le royaume compterait plus de 2000 ONG, dont plus de 300 sont les branches d'organisations internationales. Plus de 70% d'entre elles s'investiraient dans le domaine des affaires sociales, de l'éducation, de la santé et de l'agriculture. A côté, on trouve une myriade d'associations chargées des domaines les plus divers, comme les droits de l'Homme, la protection de la nature ou la religion. D'après les chiffres du ministère, les ONG contribueraient pour près de 200 millions de dollars par an à la richesse nationale, soit 5% du PIB. Pour Sak Sétha, “cette loi ne sera pas une mise sous pression de la société civile, mais contribuera à la transparence et la bonne gestion au bénéfice des ONG.” Nisha Agrawal, directeur de l'antenne de la Banque mondiale au Cambodge, chargée d'offrir une assistance technique à la rédaction du projet, appelle de son côté la société civile à participer à la rédaction de la loi, en formant une plate-forme commune.
Durant le week-end, certaines organisations se sont attelées à recenser leurs difficultés et à réfléchir à la manière dont la loi pourrait y remédier. Si les ONG travaillant dans le secteur du développement social et économique semblaient éprouver peu de problèmes, il n'en va pas de même de celles s'attachant aux questions de droits de l'Homme ou de démocratie. Se disant régulièrement en butte aux autorités locales qui ne comprennent pas leur mission, elle craignent en outre que la loi ne réponde pas à leur attentes et portent en fait atteinte à leurs activités.
Si certains estiment cependant que cette loi est importante, et espèrent faire valoir leur point de vue, beaucoup jugent en revanche que les responsables politiques ont des tâches plus urgentes à accomplir à l'heure actuelle que s'occuper d'une loi sur les associations. Koul Panha, directeur de Comfrel, rappelle que seuls 20% du programme de la coalition gouvernementale a pour l'heure été appliqué. "Le gouvernement doit penser à la réforme judiciaire, à la loi contre la corruption, des priorités avant de se consacrer à ce dossier", explique également Nhek Sarin, directeur exécutif de Star Kampuchea.
Mais pour Sar Kheng, ministre de l'Intérieur, le projet de loi finalisé devrait être présenté à l'Assemblée et au Sénat vers la fin de l'année. Des conseils locaux, représentant différents ministères, devraient ensuite être mis sur pied pour s'assurer de la bonne application du texte.
Ung Chamrœun