Hun Sen critique violemment le rapport de l’IEC sur la corruption
03-08-2006
Cambodge Soir - “Pour moi tu n'es qu'une espèce de ver, un idéologue, et il faut que tu t'arrêtes”. Le Premier ministre n'a pas mâché ses mots, hier, en attaquant, sans le citer, Sok Hach, directeur de l'Institut économique du Cambodge (IEC) et auteur d'un rapport très critique sur la corruption dans le pays et l'état des finances publiques. Ce rapport, soumis en juin au ministre de l'Economie Keat Chhon et à l'Assemblée nationale, affirmait, après enquête menée auprès de 1 200 entreprises, que ces dernières dépensaient chaque année 330 millions de dollars en frais officieux, et que 70 millions de dollars de prélèvements obligatoires échappaient chaque année à l'Etat. Le rapport estimait par ailleurs que l'Etat ne parvenait à prélever que 25% des taxes.
Aux yeux du Premier ministre, ces affirmations constituent une forme de “mépris” à l'égard du ministre de l'Economie, du Premier ministre et même du roi-père, et ce à des fins “politiques”. Dans la logique hunsennienne, dénoncer l'état de délabrement du royaume revient en effet à insulter le roi-père puisque cela revient à dire que celui-ci, aux yeux des citoyens, ne fait que “chanter et danser” sans se préoccuper des maux dont souffrirait le pays.
“Si l'Etat ne percevait que 25% des taxes, il se serait écroulé depuis longtemps. Quand nous faisons des efforts pour atteindre 13% de croissance, cet économiste nous explique que nous profitons de bonnes conditions climatiques [qui doperaient le secteur agricole], et quand la croissance est mauvaise, il pointe du doigt notre mauvaise gestion. Il ne faut pas être excessif : vous faites tout cela à des fins politiques en dévaluant votre propre nation”, a déclaré Hun Sen à l'occasion de l'inauguration d'une station d'épuration financée par la Banque asiatique de développement (Bad).
Le Premier ministre, qui a cité à l'actif du gouvernement la forte croissance dans le textile et le touristisme, a cependant admis la réalité du problème de la corruption et des progrès à faire dans la collecte des taxes. “Il estime que le Cambodge est dans une situation plus difficile encore que le Liban. Certes, il y a des pertes dans les revenus de l'Etat, mais elles n'atteignent pas 75%. C'est pourquoi nous luttons contre la corruption”, a-t-il déclaré avant de rappeler que le Cambodge était sorti la misère “totale” pour n'avoir plus que 35% de la population sous le seuil de pauvreté.
Sok Hach n'a pas souhaité faire de commentaire en raison du fait qu'il n'avait “pas entendu le discours du Premier ministre”. Prenant sa défense, Thun Saray, président d'Adhoc, trouve la réaction du Premier ministre “un peu exagérée”. “Si le Premier ministre trouve que le rapport de Sok Hach ne reflète pas toute la vérité, il devrait le compléter”, estime-t-il avant de rappeler qu'une précédente étude avait déjà évalué à 400 millions de dollars le coût de la corruption pour le pays. Sam Rainsy estime de son côté que l'enquête de l'IEC repose sur des bases suffisamment solides. “J'ai comparé avec le rapport 2005 d'USAid qui indiquait que le gouvernement perdait chaque année 400 millions de dollars, précise-t-il à son tour. Je crois qu'il s'agit d'un malentendu entre le Premier ministre et Sok Hach. Ce dernier dit simplement qu'en collectant mieux les taxes, l'Etat pourrait recevoir quatre fois plus d'argent”.
Kong Sothanarith