Excursion dans la province de Kandal - Le Prasat Chonlœung
Au centre de l’île de Srey Santhor, le bosquet qui abrite les villages de Rokar Ti Mouoy et de Chonlœung ressemble à une oasis posée au milieu de la plaine inondée de soleil et uniquement peuplée de grands échassiers blancs. A l’intérieur, des pistes de sable tortueuses longent les habitations et mènent aux pagodes.
Le prasat s’élève sur la terrasse du vihara de la pagode de Chonlœung. Il est bordé de bassins dans lesquels les villageois viennent s’approvisionner. Ils nous expliquent que certains habitants appellent ce temple simplement Prasat Boran, "le temple ancien" alors que d’autres lui donnent le nom de Prasat Kuhear, le "temple de la grotte".
De la tour Nord, il ne reste qu’un petit tertre sur lequel sont entassées des briques et un encadrement de porte. La tour centrale n’est pas non plus en bon état et le mur de son angle nord-ouest s’est écroulé. Au-dessus de l’encadrement de grès de la porte, on reconnaît, dans les contours de la figure centrale du linteau, la silhouette de l’éléphant qui servait de monture à la divinité, sous une frise de treize personnages dont deux qui dansent. A l’intérieur, un grand yoni a moitié enterré et des débris de statues sont l’objet d’un culte populaire.
Alors que les fausses portes qui ornent les façades de la tour sont taillées dans la limonite, la tour Sud est décorée de fausses portes en plaquage de grès ornées de moulures dessinant les panneaux. Des colonnettes et d’élégants pilastres, parfois finement sculptés, complètent cet ensemble surmonté de linteaux malheureusement très abîmés. Au Nord cependant, une belle représentation du barattage de la mer de lait montre dieux et démons tirant alternativement sur le grand serpent. Du dos de la tortue s’élève une colonne que Vishnou enserre de ses bras. De l’autre côté sont représentés trois petits personnages. L’un d’entre eux tient un flacon dans sa main gauche. La scène est dominée par Brahmâ assis au milieu d’une frise de treize divinités(1).
Le linteau de la porte d’entrée de la tour "a été emporté par des hommes armés". A l’intérieur, des têtes de statues provenant de stupas sont déposées et en haut des murs, on distingue bien le rebord mouluré qui servait à poser les planches sculptées du faux plafond.
Le vénérable, entouré des khmèng voat, ces enfants qui sont orphelins ou trop pauvres pour vivre avec leurs parents, explique que "selon les chercheurs, le prasat daterait du IXe siècle et serait du style de Banteay Srey". Il n’y a pas de légende attachée au temple, car "les vieux du village n’ont pas fait beaucoup d’études ni de recherches". Quant à la pagode, "on ne connaît pas la date de sa fondation, les anciens ayant oublié de l’inscrire sur le bâtiment". Cependant, après avoir chaussé de grandes lunettes et feuilleté un cahier d’écolier dans lequel il note constructions et donations diverses, il nous précise que "le vihara actuel et ses bassins datent de 1945".
"Avant la guerre, les tours du prasat étaient aussi hautes que le vihara. Mais les Khmers rouges ont démonté les toits pour construire les fourneaux de leur cuisine. L’eau s’est alors infiltrée dans les tours et a érodé les sculptures. Ils ont aussi chassé les esprits en détruisant leurs abris, sauf celui de Lok Yeiy Pew que l’on vient solliciter lorsqu’un enfant est malade. Après la guérison, la personne venue prier se rase la tête et dépose ses cheveux devant la statue". "Il y a sept bonzes contre dix-huit autrefois. De nos jours les jeunes préfèrent partir en ville apprendre l’anglais plutôt que prendre l’habit et étudier la vie du Bouddha dans la pagode du village. La forêt aussi a disparu et il n’y a plus d’arbres pour se reposer pendant les travaux des champs. Tout ceci a enlevé beaucoup de convivialité à la vie du village", regrette le Vénérable.
(1) Lunet de Lajonquière, Inventaire descriptif des monuments du Cambodge, Tome 1, EFEO, 1902, pages 171-175.
Comment s’y rendre?
Faire environ 24 km après le pont japonais et prendre le bac de Praèk Ta Mak. En sortant du bac, prendre à droite au rond point dans la direction de Vihear Sour. Tourner à gauche au premier embranchement (6 km) et continuer jusqu’au petit bois qui masque les village de Rokar Ti Mouoy et de Chomlœung (6 km). Pénétrer dans les villages et se rendre à la pagode. Attention, chaque village possède sa pagode.