Lettre ouverte à M. Xavier d’Abzac,conseiller spécial de NORODOM Ranariddh
,Lettre ouverte à M. Xavier d’Abzac
conseiller spécial de NORODOM Ranariddh
Monsieur ,
LE CAMBODGE DIRIGE PAR HUN SEN-RANARIDDH EST UN PAYS DE NON-DROIT, PAYS MAFIEUX, PAYS « PARIA DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE »
Selon l’USAID (Agence des Etats-Unis pour le Développement), la corruption du gouvernement cambodgien et l’absence de réalisation de réformes amputeraient les ressources de l’Etat de 300 à 500 millions de dollars par an.
Plus de deux cents ONG demandent que les aides soient conditionnées à l’efficacité des mesures annoncées par le gouvernement de HUN Sen-Ranariddh. En dépit des milliards de dollars d’aides apportées depuis 1993, date de la première élection libre organisée par l’APRONUC (Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge – UNTAC, en anglais), le niveau de vie des Cambodgiens ne s’est pas amélioré, le taux de mortalité infantile a progressé, l’espérance de vie est « morbide » :
- le PIB par habitant et par an est de 296 US$ (comparé avec la Thailande : 2000 US$, le Vietnam : 430, le Laos : 310) ;
- le taux de mortalité infantile (avant un an) est de 90 pour mille (Thailande : 21, Vietnam : 30, Laos : 87) ;
- l’espérance de vie est de 54 ans (Thailande : 72, Vietnam : 70, Laos : 54).
Selon la BIRD (ou la Banque Mondiale), les recettes de l’Etat khmer ne représente que 9% du PIB (15% au Laos, 16 % dans les autres pays voisins) car les grandes entreprises ne paient pas d’impôts mais des pots-de-vin aux fonctionnaires archi-corrompus, représentant 5 à 6 % de leur chiffre d’affaires, soit le double qu’au Bangladesh, au Paskistan ou en Chine. Les paysans cambodgiens sans terres représentent entre 12 et 15 % de la population , l’attribution des concessions est jugée opaque et inéquitable, les spoliations de terres par les hauts-fonctionnaires ou les militaires sont monnaie courante. En effet, récemment, des paysans de la province de Kompong Speu ont manifesté devant l’Assemblée Nationale contre la spoliation de 195 hectares de leur terres accordées à une société agro-alimentaire pour y planter des anacardiers (pour des noix de cajou) et des acacias. Dans les provinces de Pursat et Kompong Chhnang, 318 028 hectares de terres sont accordées à la PHEAPIMEX, société très proche de HUN Sèn, pour y planter des acacias en vue de la production des pâtes à papier…
Selon Amnesty International, le Cambodge de HUN Sèn-Ranariddh n’a tenu aucun de ses engagements en matière de réforme du système judiciaire. Des affaires récentes sont la preuve de l’état désastreux du système judiciaire cambodgien, gangrené par la corruption, la malhonnêteté , l’incompétence des magistrats, des interférences politiques, des insuffisances. NHIM Sophea, neveu de HUN Sèn , accusé d’avoir tué trois personnes avec un fusil d’assaut AK47, lors d’un accident de circulation survenu le 27 octobre 2003, a été acquitté lors d’un jugement à huis clos, par la Cour d’Appel de Phnom Penh. Le 19 novembre 2004, cette même Cour d’Appel a annulé l’élection légitime de SUON Visal comme bâtonnier et renomme KY Teck, proche du pouvoir, dans ses fonctions. Sur l’assassinat de CHEA Vichea, un responsable syndical, la police a extorqué des « aveux » de deux suspects à la suite d’une enquête bâclée . Le raid lancé par quelques puissants prédateurs sur l’AFESIP, association de défense des femmes en situation précaire, sera accepté favorablement par la justice cambodgienne, bien que celle-ci sache que ces prédateurs falsifient les faits, avancent des versions loufoques. La culture d’impunité envers les assassins, les meurtriers, les prédateurs reste ancrée au sein de ce gouvernement.
Selon Global Witness, évincé de la surveillance des forêts en 2003, les coupes de bois continuent dans la zone protégée du Phnom Aural, sous le patronage des hauts-fonctionnaires et des généraux de Phnom Penh. Ces maigres ressources naturelles cambodgiennes continuent d’ être pillées par le pouvoir en place…
Voilà, Monsieur d’Abzac, le tableau très noir du Cambodge, peint, non pas par les opposants au pouvoir de Phnom Penh, mais par les organismes internationaux que vous ne pouvez pas ignorer. Ce tableau montre que le Cambodge dirigé par le couple HUN Sèn-Ranariddh est un pays, pour reprendre votre expression, « paria de la communauté internationale ».
La presse du monde entier n’est pas assez bête pour suivre aveuglément les propos de M. SAM Rainsy à l’égard de Ranariddh. La réalité dramatique cambodgienne saute aux yeux du monde entier. Je vous livre encore des chiffres sur les emplois au Cambodge répartis par secteur économique : l’agriculture représente 77,50 %, l’industrie : 4,30 % et les services : 18,20 %. Dans un pays sous-développé comme le Cambodge, qui dit paysans, dit pauvreté. Déjà, 77,50 % des travailleurs cambodgiens vivent dans la misère. Et croyez-vous que les travailleurs dans l’industrie et les services sont tous des riches ? Même le FMI très pessimiste pour le Cambodge a prévu un taux de croissance de 1,90% en 2005 contre 4,30 % en 2005.
L’avenir est d’autant plus sombre pour le peuple cambodgien que les prédateurs sont plus voraces.
Votre dévouement envers votre « Prince » n’a d’égal que votre intérêt pécuniaire personnel. Il en est de même pour Ranariddh. Sa « sincérité totale » envers le Cambodge et son peuple n’a d’égale que sa cupidité. Savez-vous que le Cambodge sous le règne de HUN Sèn-Ranariddh n’est pas encore doté de code pénal digne d’un pays civilisé et que son code civil, fondement juridique de toute société humaine, laisse à désirer ?
Je demande que les Etats-Unis d’Amérique, l’Union Européenne, le Japon, les pays épris de démocratie et, en particulier, les pays donateurs prennent des sanctions, fassent pression sur le pouvoir en place du Cambodge avant que celui-ci ne replonge dans une autre guerre civile.
Paris, le 18 février 2005.
CHEA Kamnoeut